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Sommario: 1897: 1°) 31 agosto: Il congresso ebraico di Basilea. – 2°) 2 settembre: Il sionismo. – 3)
Les récents débats suscités par l’activité sioniste en Turquie qui viennent de troubler la Chambre ottomane, et dont la Croix a parlé, attirent de nouveau l’attention sur ce mouvement si intéressant. Le Times et la Correspondance de Rome ont publié à son sujet des articles documentaires. Voici également que M. A. Marvaud y consacre une brochure (1) remplie d’utiles renseignements.
Ce n’est pas seulement, comme nous le verrons, l’avenir des Israélites qui dépend du succès ou de l’insuccès du sionisme, mais c’est pour beaucoup aussi l’avenir de l’influence française en Orient, et c’est la raison qui nous fait nous en occuper. Tout jeune encore, le sionisme connaît de nombreux avatars, souffre de dissensions, hésite et fléchit. Un point seul paraît acquis, c’est sa francophobe. Mais reprenons les choses de plus loin.
On peut dire que l’idée sioniste, à savoir, dans un sens propre, la reconstitution autour de Jérusalem pour capitale d’un Etat peuplé et administré exclusivement par des Juifs, date de l’an 70 de l’ère chrétienne, qui vit la prise de la ville sainte par les troupes romaines de Titus. Décimés, vendus, expulsés, les Juifs devinrent, ce qu’ils sont encore, un peuple d’errants parmi les autres peuples, inassimilable, inassimilé. Néanmoins, ils conservèrent dans leurs multiples exils la tenace espérance de reconquérir la patrie perdue.
Disparus de Palestine, ils commencèrent à y revenir vers le milieu du xiii siècle. En 1295, leur nombre était de 8 à 10.000 en 1300, de 15.000. A l’heure qu’il est, le sandjak de Jérusalem en compte environ 100.000. A Jérusalem même, nous savons qu’ils forment plus de 60 pour 100 de la population. Cette augmentation toute récente est due à la propagande sioniste de diverses sociétés que nous allons étudier dans un instant. Ce n’est pas la première fois que l’histoire assiste à une poussée de ce genre.
Au xviie siècle, un juif espagnol de Smyrne Shabbethai, profondément versé dans la mystique hébraïque, se proclama Messie en 1648. Les appétits terrestres des Hébreux leur font concevoir le Messie sous les traits d’un conquérant qui les rétablira dans leur pays, et c’est bien ainsi que Shabbethai comprit d’abord sa mission. Banni de Smyrne, il se rendit à Salonique et à Constantinople, où il souleva l’enthousiasme de ses coreligionnaires. Tous les ghettos d’Europe surent bientôt ses exploits.
Le célèbre Oldenburg écrivait de Londres à Spinoza en décembre 1655: «Tout le monde parle ici du retour des Israélites dans leur pays. Peu y croient, mais beaucoup le désirent.»
Vains espoirs! Le gouvernement turc fît incarcérer le libérateur d’abord à Constantinople, puis à Abydos. Son odyssée eut finalement cette conclusion inattendue: Shabbethai se convertit à l’islamisme et devint officier de la cour du sultan. Converti bien peu sincère, puisque, surpris à chanter des psaumes, il fut chassé du palais et banni à Dulcigno, en Albanie, où il mourut en 1676.
Il a laissé des disciples, les donmeh (traîtres), qui ne sont pas sans inquiéter la Porte. Eux-mêmes s’appellent croyants (ma’aminim). Quoi qu’il en soit de leur influence, ce n’est pas eux, qui reconsti-
tueront la patrie juive.
Dès le xviiie siècle, du reste, le sionisme traditionnel se modifiait. Moïse Mendelssohn (de Berlin) enseignait que le retour d’Israël en Palestine ne serait plus dû à une intervention miraculeuse, mais aux efforts personnels du peuple juif. Divers penseurs, comme Hartley, voyaient là la solution à une foule de problèmes posés par la présence des Juifs au milieu de nations dont ils n’ont
jamais pu acquérir la sympathie.
Cette idée fit lentement son chemin. La romancière anglaise George Elliot l’exposa avec chaleur dans Daniel Derouda. En 1862, M. Moïse Hesse la préconisait dans son livre Rome et Jérusalem. Quand les lois Ignatieff expulsèrent de toutes les campagnes et de toutes les villes du centre de la Russie des milliers d’Israélites, en 1882, beaucoup de proscrits gagnèrent la Palestine, où ils fondèrent, sous le nom de Chovevezion, des exploitations agricoles.
Le mouvement fut encouragé par le baron E. de Rothschild, mais il ne devait prendre toute sa vigueur qu’en 1896, époque où le docteur Herzl, juif autrichien et correspondant à Paris de la Neue Freie Presse de Vienne, publia son livre Der juden Staat (l’Etat juif).
A l’antique sionisme mystique de Shabbethai, au sionisme charitable du baron de Rothschild ou du baron Hirsch, dont les libéralités fondaient à Londres, en 1892, la Jew Colonial Association (I. C. A.), Herzl substituait une doctrine nettement politique «L’antisémitisme, déclarait-il, est éternel, parce que nous avons perdu notre don d’assimilation dans le ghetto. » Il réclamait donc pour le peuple juif les droits inhérents à tous les peuples, c'est-à-dire nommément celui à «un développement libre et intégral sur un territoires autonome».
Comme territoire idéal, il indiquait la Palestine; comme moyen, une émigration méthodique; comme adjuvant, la diplomatie. Il croyait que les puissances, feraient taire leurs rivalités devant les demandes israélites et que l’empire ottoman, alléché par la forte somme, serait enchanté de céder à bon prix le sandjak de Jérusalem.
Son ouvrage eut un retentissement énorme, surtout en Autriche, en Allemagne et en Russie. Max Nordau, le docteur Marmorek, le romancier anglais Israël Zangwill, lui apportèrent leur concours. Dès l'année suivante (1897), un Congrès sioniste, tenu à Bâle, résumait dans cette formule l’idée sioniste «Le sionisme a pour but la création en Palestine, pour le peuple juif, d’une patrie garantie par le droit public.» Ce premier Congrès eut des allures d’apothéose et se vanta de réunir les délégués de neuf cents groupements sionistes (2).
Cette base solide une fois établie, Herzl se mit en campagne. Il s’efforça d’intéresser au mouvement les cercles diplomatiques aussi bien que les milieux financiers. Sur ce dernier point, ses projets étaient grandioses. Il envisageait la création d’une Société au capital d’un milliard de marks, qui liquiderait les biens meubles et immeubles des immigrants, acquerrait en Palestine des territoires gigantesques pour les y établir. La réalité fut moins splendide, le Jewish Colonial Trust ne put réunir que 50 millions de francs, dont en 1897 un peu plus du dixième était versé.
On conçoit que rien de décisif ne pouvait se faire sans la tolérance du gouvernement turc. Guillaume II avait promis, paraît-il, à Herzl d’intercéder auprès d’Abd-ul-Hamid en faveur du sionisme. Reçu en effet par le sultan, Herzl eut avec lui de charmants entretiens il en obtint même une décoration. Quand
on aborda le terrain pratique, Abd-ul-Hamid tenta de faire dévier la conversation sur le chapitre des finances turques. Il avait besoin de l’appui des Juifs dans le monde de la Bourse. Pressé de répondre nettement, il laissa entendre que jamais, lui vivant, la Palestine ne redeviendrait israélite.
Il fallait chercher ailleurs. On jeta les yeux sur Chypre et la péninsule du Sinaï. Pour diverses raisons, ces deux contrées furent bientôt abandonnées. C’était le fiasco.
Comme toujours en pareil cas, l’insuccès amenait la discorde. Le 6° Congrès, tenu à Bâle en 1903, fut houleux. Néanmoins, des pourparlers furent entamés avec le gouvernement anglais au sujet de l’Ouganda. Peines inutiles! Herzl mourait d’ailleurs, usé, désespéré. Le 7e Congrès revint au point de départ et déclara que plus que jamais la Palestine devait demeurer à l’ordre du jour
comme terre promise trouvée et recouvrable.
C’est alors qu’une scission grave se produisit sous la conduite d’Israël Zangwill, de nombreux groupements sionistes firent bande à part, et, sous le nom de Jewish Territorial Organisation (I. T. 0.), se déclarèrent prêts à accepter comme patrie future un territoire quelconque, à la condition d’y jouir de l’indépendance. De fait, les recherches de l’I.T.O. se sont exercées depuis lors, sans grand succès s’il faut le dire, en Mésopotamie et en Cyrénaïque. En attendant, elle centralise l’émigration juive européenne dans le Texas américain.
Même au sein du sionisme, l’accord est loin d’être réalisé. Tandis que les politiques subordonnent l’établissement des Israélites en Palestine à l’élaboration définitive d’un statut international, les réalistes préconisent l’immigration immédiate, continue, en masses dans la Terre Sainte, disant que la Palestine, une fois judaïsée, la reconnaissance de son individualité en droit public s’opérera par la force des choses. Certaines concessions ont été faites à ce groupe sous la forme de l’institution du fonds spécial, destiné à la colonisation de la terre ancestrale.
L’odyssée sioniste n’en était pas à sa dernière étape. Le 9e Congrès, tenu à Hambourg, révéla d’autres dissentiments encore et une déviation même du principe sioniste. Tel qu’il se présentait au début, tel qu’il avait été élaboré, il se ressentait de ses origines germaniques, n’aurait-ce été que par l’importance capitale qu’il accordait à l’idée de race. Mais, entfln, cette race était la race juive sans distinction de subnationalités. La nature des choses devait modifier cette idée simpliste.
Comme nous l’avons vu par le détail des groupes représentés au 1er Congrès, c’est surtout en Russie, en Autriche, en Roumanie et en Allemagne que le sionisme recueillait des adeptes à ses débuts. Les Congrès suivants ne firent qu’accentuer ce caractère. Le sionisme fut mal accueilli par les Israélites français et anglais. Les Juifs se trouvent bien dans ces deux pays et on leur demandait d’en sortir! Les Juifs français, notamment, possédant depuis 1860 l’institution connue sous le nom d’Alliance israélite universelle, virent d’un mauvais œil la naissance du mouvement sioniste qui leur faisait concurrence sur le terrain du relèvement de la race, qui était proprement leur but. Il en résulta peu à peu un antagonisme, qui éclata furieusement au Congrès de Hambourg.
Cette Société, très puissante, entretenait en 1900 142 écoles instruisant 40.000 élèves. L’enseignement qu’elle donne porte à la fois sur le français et sur l’hébreu. Il paraît véritablement que, après, bien après les congréganistes, elle fait beaucoup pour l’influence française en Orient. Aussi la majorité des sionistes lui livrent-ils une guerre acharnée. En Bulgarie, notamment, ses centres d’instruction ont dû céder le pas à ceux fondés par les sionistes, au détriment de notre culture. En sorte que, par une évolution naturelle, le sionisme, aujourd'hui, représente une force d’expansion germanique en opposition avec les tendances francophiles de l’Alliance israélite.
L’avenir du sionisme se trouve donc étroitement lié à celui du germanisme oriental. C’est pourquoi nous devons démasquer ses manœuvres le plus souvent qu’il nous sera possible. Aussi bien n’est-ce que comme instrument dans les mains de l’Allemagne que ce mouvement peut prétendre à un avenir.
Vouloir judaïser la Palestine, c’est se heurter à des difficultés insurmontables. «Les Juifs, dit M. Marvaud, n’y forment qu’un dixième de la population totale et n’y possèdent pas plus de 2 pour 100 du sol.» Il faudrait donc une pénétration pacifique, soutenue d’au moins cinquante ans de durée, pour que les Juifs y égalent les non-Juifs. Ces derniers s’élèvent violemment contre les tentatives sionistes, et on l’a bien vu aux dernières séances de la Chambre ottomane.
Déjà en avril 1910 Israël Zangwill déclarait dans la Fortnightly Review: «Les 12 000 élèves du plus ancien Séminaire d’El-Azhar au Caire, se répandant aux quatre coins du monde musulman, contribuent à répandre partout la crainte que les Juifs s’emparent de Jérusalem, la cité sainte de l’Islam. L’opposition des Arabes chrétiens est encore plus redoutable, et plus redoutable encore l’opposition des Juifs ottomans, dont quatre députés au Parlement sont tous antisionistes. Même si, d’ici un siècle, la population devenait surtout juive, la Palestine contiendrait un million de Juifs au plus sur 12 millions, et le tiers de la population serait encore non-juif, et ceux qui, parmi les 11 millions, n’auraient pas été absorbés, continueraient à être dispersés et opprimés. Comme solution pratique politique de la question juive, le sionisme palestinien a par conséquent fait banqueroute».
Il ne faut nous en réjouir qu’à demi, car le sionisme comme instrument de pénétration allemande peut nous faire encore énormément de mal. Nous n’avons aucun intérêt à la reconstruction du temple par contre, tout ce qui diminue la force française nous touche au vif. C’est le cas du sionisme. Tenons-le-
nous pour dit.
note:
(1) Le Sionisme, par A. Marvaud. Paris, Bloud. Préface de A. Leroy-Beaulieu.
(2) Ainsi répartis: Russie, 373; Autriche, 218; Roumanie, 126; Hongriè 38; Angleterre, 27; Allemagne; 25 Italie; 12 Suisse; 6 Transvaal, 6; Bulgarie, 5; Belgique, 2; Egypte, 2; Turquie 2; France, 3; Serbie, 1; Grèce, 1; Danemark, 1.
L’archivio dal quale attingiamo è tratto dalla Biblioteca Digitale Gallica,
che del quotidiano cattolico “La Croix” contiene una collezione che va
dagli anni 1880 al 1944. L’anno di inizio spoglio è il 1897, da dove
inizia l’esplorazione dell’archivio, che verrà utilizzato anche per
attingere notizie ed articoli che potranno trovare più opportuna
collocazione nelle ricerche collegate intorno alla «Questione giudaica» e alla «Questione ebraica».
Anche per questa serie sarà seguito il criterio della doppia redazione,
detta “a papiro” ossia disposta per singolo anno in un solo post che
potrà assumere ampia dimensione, e “a libro” ossia disposta in singoli
post per ogni articolo, che potrà essere tradotto in italiano e
corredato di commento ed ogni utile apparato, inclusa la indicizzazione
analitica dei nomi e cronologica. L’archivio ha pure una doppia
numerazione: una generale di tutta la serie ed una specifica per l’anno
corrente. Il Lettore sarà di volta in volta guidato nell’uso
dell’ipertesto. I commenti introduttivi variano con il procedere della
ricerca e formano come una discussione permanente della metodologia
seguita e suscettibile di evoluzione.
*
LA QUESTIONE SIONISTA
E IL VICINO ORIENTE
Home
tratta dal quotidiano “La Croix”
E IL VICINO ORIENTE
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1911
1882 1896 ↔ 1898 1944
1882 1896 ↔ 1898 1944
La Croix: 1880 - 1881 -1882 - 1883 - 1884 - 1885 - 1886 - 1887 - 1888 - 1889 - 1890 - 1891 - 1892 - 1993 - 1894 - 1895 - 1896 - 1897
- 1898
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1918 - 1919 - 1920 - 1921 - 1922 - 1923 - 1924 - 1925 - 1926 - 1927 -
1928 - 1929 - 1930 - 1931 - 1932 - 1933 - 1934 - 1935 - 1936 - 1937 -
1938 - 1939 - 1940 - 1941 - 1942 - 1943 - 1944.
Anno inizio spoglio: 1897 |
Où en est le sionisme
La Croix,
18-19 juin 1911,
N° 8.665, p. 3
Les récents débats suscités par l’activité sioniste en Turquie qui viennent de troubler la Chambre ottomane, et dont la Croix a parlé, attirent de nouveau l’attention sur ce mouvement si intéressant. Le Times et la Correspondance de Rome ont publié à son sujet des articles documentaires. Voici également que M. A. Marvaud y consacre une brochure (1) remplie d’utiles renseignements.
Ce n’est pas seulement, comme nous le verrons, l’avenir des Israélites qui dépend du succès ou de l’insuccès du sionisme, mais c’est pour beaucoup aussi l’avenir de l’influence française en Orient, et c’est la raison qui nous fait nous en occuper. Tout jeune encore, le sionisme connaît de nombreux avatars, souffre de dissensions, hésite et fléchit. Un point seul paraît acquis, c’est sa francophobe. Mais reprenons les choses de plus loin.
On peut dire que l’idée sioniste, à savoir, dans un sens propre, la reconstitution autour de Jérusalem pour capitale d’un Etat peuplé et administré exclusivement par des Juifs, date de l’an 70 de l’ère chrétienne, qui vit la prise de la ville sainte par les troupes romaines de Titus. Décimés, vendus, expulsés, les Juifs devinrent, ce qu’ils sont encore, un peuple d’errants parmi les autres peuples, inassimilable, inassimilé. Néanmoins, ils conservèrent dans leurs multiples exils la tenace espérance de reconquérir la patrie perdue.
Disparus de Palestine, ils commencèrent à y revenir vers le milieu du xiii siècle. En 1295, leur nombre était de 8 à 10.000 en 1300, de 15.000. A l’heure qu’il est, le sandjak de Jérusalem en compte environ 100.000. A Jérusalem même, nous savons qu’ils forment plus de 60 pour 100 de la population. Cette augmentation toute récente est due à la propagande sioniste de diverses sociétés que nous allons étudier dans un instant. Ce n’est pas la première fois que l’histoire assiste à une poussée de ce genre.
Au xviie siècle, un juif espagnol de Smyrne Shabbethai, profondément versé dans la mystique hébraïque, se proclama Messie en 1648. Les appétits terrestres des Hébreux leur font concevoir le Messie sous les traits d’un conquérant qui les rétablira dans leur pays, et c’est bien ainsi que Shabbethai comprit d’abord sa mission. Banni de Smyrne, il se rendit à Salonique et à Constantinople, où il souleva l’enthousiasme de ses coreligionnaires. Tous les ghettos d’Europe surent bientôt ses exploits.
Le célèbre Oldenburg écrivait de Londres à Spinoza en décembre 1655: «Tout le monde parle ici du retour des Israélites dans leur pays. Peu y croient, mais beaucoup le désirent.»
Vains espoirs! Le gouvernement turc fît incarcérer le libérateur d’abord à Constantinople, puis à Abydos. Son odyssée eut finalement cette conclusion inattendue: Shabbethai se convertit à l’islamisme et devint officier de la cour du sultan. Converti bien peu sincère, puisque, surpris à chanter des psaumes, il fut chassé du palais et banni à Dulcigno, en Albanie, où il mourut en 1676.
Il a laissé des disciples, les donmeh (traîtres), qui ne sont pas sans inquiéter la Porte. Eux-mêmes s’appellent croyants (ma’aminim). Quoi qu’il en soit de leur influence, ce n’est pas eux, qui reconsti-
tueront la patrie juive.
Dès le xviiie siècle, du reste, le sionisme traditionnel se modifiait. Moïse Mendelssohn (de Berlin) enseignait que le retour d’Israël en Palestine ne serait plus dû à une intervention miraculeuse, mais aux efforts personnels du peuple juif. Divers penseurs, comme Hartley, voyaient là la solution à une foule de problèmes posés par la présence des Juifs au milieu de nations dont ils n’ont
jamais pu acquérir la sympathie.
Cette idée fit lentement son chemin. La romancière anglaise George Elliot l’exposa avec chaleur dans Daniel Derouda. En 1862, M. Moïse Hesse la préconisait dans son livre Rome et Jérusalem. Quand les lois Ignatieff expulsèrent de toutes les campagnes et de toutes les villes du centre de la Russie des milliers d’Israélites, en 1882, beaucoup de proscrits gagnèrent la Palestine, où ils fondèrent, sous le nom de Chovevezion, des exploitations agricoles.
Le mouvement fut encouragé par le baron E. de Rothschild, mais il ne devait prendre toute sa vigueur qu’en 1896, époque où le docteur Herzl, juif autrichien et correspondant à Paris de la Neue Freie Presse de Vienne, publia son livre Der juden Staat (l’Etat juif).
A l’antique sionisme mystique de Shabbethai, au sionisme charitable du baron de Rothschild ou du baron Hirsch, dont les libéralités fondaient à Londres, en 1892, la Jew Colonial Association (I. C. A.), Herzl substituait une doctrine nettement politique «L’antisémitisme, déclarait-il, est éternel, parce que nous avons perdu notre don d’assimilation dans le ghetto. » Il réclamait donc pour le peuple juif les droits inhérents à tous les peuples, c'est-à-dire nommément celui à «un développement libre et intégral sur un territoires autonome».
Comme territoire idéal, il indiquait la Palestine; comme moyen, une émigration méthodique; comme adjuvant, la diplomatie. Il croyait que les puissances, feraient taire leurs rivalités devant les demandes israélites et que l’empire ottoman, alléché par la forte somme, serait enchanté de céder à bon prix le sandjak de Jérusalem.
Son ouvrage eut un retentissement énorme, surtout en Autriche, en Allemagne et en Russie. Max Nordau, le docteur Marmorek, le romancier anglais Israël Zangwill, lui apportèrent leur concours. Dès l'année suivante (1897), un Congrès sioniste, tenu à Bâle, résumait dans cette formule l’idée sioniste «Le sionisme a pour but la création en Palestine, pour le peuple juif, d’une patrie garantie par le droit public.» Ce premier Congrès eut des allures d’apothéose et se vanta de réunir les délégués de neuf cents groupements sionistes (2).
Cette base solide une fois établie, Herzl se mit en campagne. Il s’efforça d’intéresser au mouvement les cercles diplomatiques aussi bien que les milieux financiers. Sur ce dernier point, ses projets étaient grandioses. Il envisageait la création d’une Société au capital d’un milliard de marks, qui liquiderait les biens meubles et immeubles des immigrants, acquerrait en Palestine des territoires gigantesques pour les y établir. La réalité fut moins splendide, le Jewish Colonial Trust ne put réunir que 50 millions de francs, dont en 1897 un peu plus du dixième était versé.
On conçoit que rien de décisif ne pouvait se faire sans la tolérance du gouvernement turc. Guillaume II avait promis, paraît-il, à Herzl d’intercéder auprès d’Abd-ul-Hamid en faveur du sionisme. Reçu en effet par le sultan, Herzl eut avec lui de charmants entretiens il en obtint même une décoration. Quand
on aborda le terrain pratique, Abd-ul-Hamid tenta de faire dévier la conversation sur le chapitre des finances turques. Il avait besoin de l’appui des Juifs dans le monde de la Bourse. Pressé de répondre nettement, il laissa entendre que jamais, lui vivant, la Palestine ne redeviendrait israélite.
Il fallait chercher ailleurs. On jeta les yeux sur Chypre et la péninsule du Sinaï. Pour diverses raisons, ces deux contrées furent bientôt abandonnées. C’était le fiasco.
Comme toujours en pareil cas, l’insuccès amenait la discorde. Le 6° Congrès, tenu à Bâle en 1903, fut houleux. Néanmoins, des pourparlers furent entamés avec le gouvernement anglais au sujet de l’Ouganda. Peines inutiles! Herzl mourait d’ailleurs, usé, désespéré. Le 7e Congrès revint au point de départ et déclara que plus que jamais la Palestine devait demeurer à l’ordre du jour
comme terre promise trouvée et recouvrable.
C’est alors qu’une scission grave se produisit sous la conduite d’Israël Zangwill, de nombreux groupements sionistes firent bande à part, et, sous le nom de Jewish Territorial Organisation (I. T. 0.), se déclarèrent prêts à accepter comme patrie future un territoire quelconque, à la condition d’y jouir de l’indépendance. De fait, les recherches de l’I.T.O. se sont exercées depuis lors, sans grand succès s’il faut le dire, en Mésopotamie et en Cyrénaïque. En attendant, elle centralise l’émigration juive européenne dans le Texas américain.
Même au sein du sionisme, l’accord est loin d’être réalisé. Tandis que les politiques subordonnent l’établissement des Israélites en Palestine à l’élaboration définitive d’un statut international, les réalistes préconisent l’immigration immédiate, continue, en masses dans la Terre Sainte, disant que la Palestine, une fois judaïsée, la reconnaissance de son individualité en droit public s’opérera par la force des choses. Certaines concessions ont été faites à ce groupe sous la forme de l’institution du fonds spécial, destiné à la colonisation de la terre ancestrale.
L’odyssée sioniste n’en était pas à sa dernière étape. Le 9e Congrès, tenu à Hambourg, révéla d’autres dissentiments encore et une déviation même du principe sioniste. Tel qu’il se présentait au début, tel qu’il avait été élaboré, il se ressentait de ses origines germaniques, n’aurait-ce été que par l’importance capitale qu’il accordait à l’idée de race. Mais, entfln, cette race était la race juive sans distinction de subnationalités. La nature des choses devait modifier cette idée simpliste.
Comme nous l’avons vu par le détail des groupes représentés au 1er Congrès, c’est surtout en Russie, en Autriche, en Roumanie et en Allemagne que le sionisme recueillait des adeptes à ses débuts. Les Congrès suivants ne firent qu’accentuer ce caractère. Le sionisme fut mal accueilli par les Israélites français et anglais. Les Juifs se trouvent bien dans ces deux pays et on leur demandait d’en sortir! Les Juifs français, notamment, possédant depuis 1860 l’institution connue sous le nom d’Alliance israélite universelle, virent d’un mauvais œil la naissance du mouvement sioniste qui leur faisait concurrence sur le terrain du relèvement de la race, qui était proprement leur but. Il en résulta peu à peu un antagonisme, qui éclata furieusement au Congrès de Hambourg.
Cette Société, très puissante, entretenait en 1900 142 écoles instruisant 40.000 élèves. L’enseignement qu’elle donne porte à la fois sur le français et sur l’hébreu. Il paraît véritablement que, après, bien après les congréganistes, elle fait beaucoup pour l’influence française en Orient. Aussi la majorité des sionistes lui livrent-ils une guerre acharnée. En Bulgarie, notamment, ses centres d’instruction ont dû céder le pas à ceux fondés par les sionistes, au détriment de notre culture. En sorte que, par une évolution naturelle, le sionisme, aujourd'hui, représente une force d’expansion germanique en opposition avec les tendances francophiles de l’Alliance israélite.
L’avenir du sionisme se trouve donc étroitement lié à celui du germanisme oriental. C’est pourquoi nous devons démasquer ses manœuvres le plus souvent qu’il nous sera possible. Aussi bien n’est-ce que comme instrument dans les mains de l’Allemagne que ce mouvement peut prétendre à un avenir.
Vouloir judaïser la Palestine, c’est se heurter à des difficultés insurmontables. «Les Juifs, dit M. Marvaud, n’y forment qu’un dixième de la population totale et n’y possèdent pas plus de 2 pour 100 du sol.» Il faudrait donc une pénétration pacifique, soutenue d’au moins cinquante ans de durée, pour que les Juifs y égalent les non-Juifs. Ces derniers s’élèvent violemment contre les tentatives sionistes, et on l’a bien vu aux dernières séances de la Chambre ottomane.
Déjà en avril 1910 Israël Zangwill déclarait dans la Fortnightly Review: «Les 12 000 élèves du plus ancien Séminaire d’El-Azhar au Caire, se répandant aux quatre coins du monde musulman, contribuent à répandre partout la crainte que les Juifs s’emparent de Jérusalem, la cité sainte de l’Islam. L’opposition des Arabes chrétiens est encore plus redoutable, et plus redoutable encore l’opposition des Juifs ottomans, dont quatre députés au Parlement sont tous antisionistes. Même si, d’ici un siècle, la population devenait surtout juive, la Palestine contiendrait un million de Juifs au plus sur 12 millions, et le tiers de la population serait encore non-juif, et ceux qui, parmi les 11 millions, n’auraient pas été absorbés, continueraient à être dispersés et opprimés. Comme solution pratique politique de la question juive, le sionisme palestinien a par conséquent fait banqueroute».
Il ne faut nous en réjouir qu’à demi, car le sionisme comme instrument de pénétration allemande peut nous faire encore énormément de mal. Nous n’avons aucun intérêt à la reconstruction du temple par contre, tout ce qui diminue la force française nous touche au vif. C’est le cas du sionisme. Tenons-le-
nous pour dit.
R. T.
___________note:
(1) Le Sionisme, par A. Marvaud. Paris, Bloud. Préface de A. Leroy-Beaulieu.
(2) Ainsi répartis: Russie, 373; Autriche, 218; Roumanie, 126; Hongriè 38; Angleterre, 27; Allemagne; 25 Italie; 12 Suisse; 6 Transvaal, 6; Bulgarie, 5; Belgique, 2; Egypte, 2; Turquie 2; France, 3; Serbie, 1; Grèce, 1; Danemark, 1.
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