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Le congrès sioniste
Gazette de Lausanne,
20 agosto 1900, p.2
20 agosto 1900, p.2
Le même correspondant de la Libre Parole
au compte-rendu duquel nous avons déjà fait un emprunt a été d’abord
étonné de l’indifférence manifestée par la presse londonienne à l’égard
du congrès. Il écrit à ce propos:
La surprise diminue
si l’on considère que les Juifs, maîtres de la presse, le sont par
l’argent, et qu’ayant l’argent, ils sont peu portés à se considerer
comme des exilés dans une vallée de larmes. Il ne leur vient pas à
l’esprit d’accrocher leurs lyres aux arbres des bords de la Tamise et de
laisser tomber des larmes dans les eaux de ce fleuve qui roule déjà
tant de choses.
Le soir, au “Music Hall” l’Empire, il constate la présence dans le public d’un grand nombre d’Israélites extrémement calés.
Si
je les avais interviewés sur le sionisme, dit-il, ils m’auraient très
certainement répondu que leurs compatriotes du congrès avaient une
interprétation absolument erronée des prophéties.
C’est du reste ce qui arriva jadis au temps de la captivité de Babylone. Les captifs commencèrent par pleurer abondamment super flumina. Mais quand le jour de la délivrance survint, au bout de peu d’années, il s’en trouva des quantités qui refusèrent de rentrer.
Au
quinzième siècle, à ce que me disait un sage du congrès, un effort
semblable à celui d’aujourdui fut fait par un grand nombre de Juifs. Qui
s’y opposa? Les Juifs eux-mêmes. Ce considérations expliquent la
froideur de la presse londinienne et, résultat plus utile, elles
montrent sur quel terrain, au milieu de quelles difficultés et de quels
adversaires le sionisme se meut et se déploie…
Entre
temps, j’eus occasion de converser avec un certain nombre de personnes
des divers pays, et voici, en peu de mots, ce qui me fut dit par les uns
et les autres.
Le sionisme, sous sa forme moderne,
s’est développé dans les milieux instruits du judaïsme, c’est-à-dire
parmi ces juifs qui ne vivent pas du trafic, mais qui ont appris les
sciences profanes, le droit, la médicine, ce qu’on sait de la nature, la
philosophie, les lettres.
Le contact des idées en
cours parmi les peuples leur a inspiré la pensé de reconstituer le
peuple hébreu sur la base nationale. A cet égard, ils ont obéi au
mouvement qui pousse tous les peuples au nationalisme depuis plus de
trente ans.
C’est une tradition quasi éternelle dans le
Judaïsme que le peuple hébreu retournera un jour en Palestine. Les
orthodoxes pieux cultivent cette tradition; c’est pourquoi ils ont une
sympathie très vive pour le Sionisme, qui voudrait donner aux Juifs un
territoire et des frontières. Cependant les Sionistes ne sont guère
d’accord avec le rabbinat orthodoxe au point de vue religieux.
«Nous
ne croyons guère, me disait l’un d’eux, à tout ce que les rabbins
racontent sur Dieu et le culte; mais d’une part il faut tenir compte du
rabbin qui est suivi aveuglément par sa communauté, d’autre part nous
cherchons, par raison de bon sens, de politique prévoyante, par instinct
de conservation, ce qu’ils désiderent, eux, envertu de la tradition, à
savoir un Etat juifs, une patrie juive.
» Puisque leur
tradition est que ce Etat soit la Palestine, nous eût aussi bien
convenu. Cet accord a pour effet de nous amener assez rapidement la
masse immense du Judaïsme orthodoxe et croyant.
» Quant
à la Palestine, il faut pour l’obtenir décider le sultan à nous la
céder: on y mettrait le prix. Il va sans dire que cet Etat autonome
reconnaître la suzeraineté du sultan.
» Mais comme le
sultan est monarque absolu et autocrate, il suffirait que sa volonté
change du jour au lendemain pour asservir et réduire en département de
son empire l’Etat juif nouvellemnt créé. C’est pourquoi nous voudrions
intéresser l’Europe à cet arrangement. Il faudrait que l’Europe
intervint dans le contrat pour en garantir la durabilité et
l’observation…».
L’adversaire du Sionisme, c’est le
Judaïsme officiel, en d’autres termes les juifs arrivés. Les Juifs de
cette catégorie n’entendent nullement se dessaisir de leurs royautés.
L’idée de devenir de notables citoyens du royaume à fonder ne leur
sourit pas. Ils croient que pour éviter des malheurs, les Juifs ont
besoin, non pas de se mettre dnas leur meubles mais de débourser de
temps en temps une somme pour les accidents, de subventionner des
journaux, des ministres et même des souverains. Ils espèrent s’en tirer
ainsi et croient que ce système suffira.
M. Nordau les a avertis hier de leur illusion. Avec ce systeme, c’est à catastrophe que l’on marche.
Dans la troisième séance, le Dr Bodenheimer s’est attaché à réfuter diverses objections juives contre le Sionisme; il a dit:
A
quoi bou se réunir tous sur un point du territoire, nous ebject-on? La
mission du Juif n’est-elle pas d’être sur toute la terre le cosmopolite,
l’élément inassimilé entre tous les peuples et, en quelque manière, le
représentant et le propagateur d’une civilisation universelle,
civilisation de l’humanité et non pas de tel ou tel peuple?
Ces
idées qui datent de la Revolution française, cette conception d’un
Judaïsme cosmopolite, d’un citoyen de l’univers, ne s’accordent plus
avec le nationalisme qui est aujourd’hui l’Evangile de tous les peuples,
et il ne reste qu’à se demander pourquoi le peuple juif serait entre
tous le seul qui ne cherche pas à réaliser l’idéal national,
c’est-à-dire à se donner un pays et des frontières entre lesquelles
chaque peuple est chez lui et se développe selon sa manière d’être, sous
les lois à lui.
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